Les nouvelles minorités sexuelles, vestales consentantes du Système

William Blake, Le Grand Dragon rouge

De l’iniquité des catégories sexuelles et de la place des femmes dans le grand chambardement identitaire

Indépendamment des idées convenues et conformes au devoir contemporain de tolérance, la plupart des femmes hétérosexuelles se voient rassurées dans leur féminité par le fait de croire qu’un homme est gay ou homosexuel.

Ainsi, elles peuvent profiter en toute tranquillité de la présence de ces hommes réputés sensibles, délicats, raffinés, cultivés, sortir avec eux à l’opéra, au théâtre, au vernissage du dernier artiste à la mode, faire de la gym ou du shopping dans les magasins branchés, échanger des potins, des conseils de maquillage ou de régime minceur. Et ce, sans jamais risquer de se faire lourdement draguer, ou devoir décliner une invitation à boire un dernier verre en tête-à-tête.

Dans le meilleur des cas, une femme pourra même se faire d’un ami gay une « bonne copine« , lui confier ses petits secrets, ses peines de cœur. Avec la certitude d’être toujours écoutée avec empathie par une véritable sœur, qui saura garder ses confidences, rester discrète devant son mec, ou éloigner si besoin les prétendants trop importuns.

De la même manière, une femme hétéro se rassure en se persuadant qu’un homme est hétérosexuel. Et qu’elle peut ainsi entretenir avec lui une relation balisée par les codes de la galanterie, de la séduction, ou de la drague plus cash pour les plus téméraires.

Ou au contraire l’envoyer valser, le faire languir, le martyriser, le culpabiliser, ou carrément l’éconduire en se victimisant suite à n’importe quelle marque (supposée) de machisme, de harcèlement sexuel ou de drague non sollicitée. Au nom des canons politiquement corrects du néoféminisme et du terrorisme woke, franchement misandre et castrateur.

En revanche, si une femme hétéro vient à découvrir que son compagnon aime aussi les hommes, ou que sa meilleure copine gay aime aussi les femmes, ou pire, qu’il la regarde avec des yeux de convoitise, alors dans la plupart des cas, c’est la panique totale.

La confusion des genres et des identités déplaît à la plupart des femmes. Sauf pour celles qui ont les idées larges, qui aiment transgresser les règles, mélanger les genres ou fricoter avec la bisexualité. Voire goûter régulièrement aux plaisirs saphiques quand leur Jules a le dos tourné.

Mais même dans ces cas-là, une femme est souvent perdue quand elle sent que le désir d’un homme lui échappe, qu’elle ne peut pas le contrôler, en jouir comme elle l’entend, s’en servir pour flatter son narcissisme, en tirer quelque intérêt matériel, ou le circonscrire en usant de ses charmes, de sa psychologie ou de ses ruses féminines.

Donc exit ces catégories nosologiques absurdes inventées au 19e siècle par des psychiatres pétris de morale scientiste et hygiéniste, avant d’être revisitées par les théoriciens libertaires des gay & lesbian studies, puis imposées comme de nouvelles normes sociales assorties de revendications politiques par les militants LGBT.

La dépénalisation de l’homosexualité, le Pacs puis le mariage pour tous, la pénalisation de l’homophobie, la reconnaissance de l’homoparentalité, l’ouverture de l’adoption et des PMA aux couples homosexuels, sont autant de « progrès » qui satisfont le besoin de conformisme des contemporains vis-à-vis des nouvelles normes égalitaires qualifiées de progressistes.

A condition que ces nouvelles pratiques et identités, dont on ne saurait remettre en cause l’impérieuse objectivité pour ceux qui les vivent, restent bien bordées par ces catégories bien commodes. Et qu’on ne s’aventure pas dans un nomadisme sexuel ou identitaire flou, qui risquerait de brouiller ces nouveaux repères.

Or la réalité du désir humain, des goûts, des pratiques et des préférences sexuelles, est tout sauf conforme à cet archivage obsessionnel des usages, des orientations et des genres, qui tend à les enfermer jalousement dans des catégories répertoriées. Que ce soit selon une lecture pathologique, qui les définie comme des déviances par rapport à une norme artificielle : l’hétérosexualité. Ou selon une logique plus récente, constructionniste, qui prétend contester et déconstruire ces normes anciennes et les discours qui les sous-tendent, pour imposer d’autres identités et d’autres normes, dictées par la fantaisie ou les névroses des un.e.s et des autres : queers, trans, androgynes, non-binaires, intersexes, asexuels, pansexuels, autosexuels, etc…

Malgré les efforts des sexologues et psys divers depuis le rapport Kinsey[i] pour faire valoir ces catégories construites autour de l’orientation, des pratiques et des identités sexuelles, réelles ou supposées, des individus, le moins que l’on puisse dire, c’est que la palette infinie et toujours changeante des désirs et des plaisirs dresse un tableau complexe et continu – avec des failles ou accidents – mais certainement pas cette nomenclature discontinue délimitant des identités bien étanches.

Le plaisir suprême consistant même pour beaucoup d’individus, qu’on qualifiait naguère de pervers, à sortir des sentiers battus, à explorer de nouveaux plaisirs, n’hésitant pas à trahir leur caste, s’exposer à l’opprobre de leurs pairs, et pourquoi pas dévoyer des partenaires occasionnels du même sexe qui n’auraient jamais pensé déchoir à leur rang.

Cette pratique a même donné lieu à une nouvelle catégorie identitaire au menu des sites et applis de rencontre à caractère sexuel : les hétéros curieux ou hétéroflexibles. Une sous-classe très répandue parmi certains jeunes mâles, a priori hétérosexuels ou qui se définissent comme tels selon leur orientation ou leurs pratiques majoritaires, ou selon l’image qu’il se font de leur psychologie, de leurs affinités, de l’image qu’ils renvoient aux autres et à eux-mêmes. Une catégorie très recherchée parmi certains gays amateurs de « vrais mâles » qu’ils rêvent d’initier aux plaisirs entre hommes.

La fréquentation assidue des sites pornographiques dès le plus jeune âge, qui a forgé les représentations sur la sexualité d’une génération entière de millenials, la banalisation de l’homosexualité à partir des années 1990, la quasi absence de culpabilité à l’évoquer voire à la pratiquer occasionnellement, sauf dans certains milieux ruraux ou trop marqués par une homophobie culturelle (chez les personnes originaires du Maghreb ou de pays musulmans par exemple), ont fait considérablement évoluer les mentalités chez ces jeunes générations.

Beaucoup de jeunes sont aujourd’hui affranchis des tabous, pudeurs ou répulsions de leurs aînés. Et ils ont souvent exploré, au moins virtuellement devant leur écran, toutes les pratiques sexuelles considérées comme légales, donc admises socialement. Et même parfois moins légales, comme la zoophilie, le sadomasochisme extrême, voire la pédophilie.

Ils en parlent sans détour avec leurs copains, et même avec leur copine. Ils ont indifféremment des amis qui sont ouvertement gays, bis ou lesbiennes. Et parfois, ils se laissent aller à des écarts avec d’autres hommes plus expérimentés dans les plaisirs masculins. Certains d’entre eux découvrent même avec étonnement que bien utilisée, leur prostate peut devenir une source de plaisirs insoupçonnés. Mais tout cela sans jamais pour autant s’avouer homos ou bis.

Pas sûr que les femmes s’y retrouvent dans ce libertinage et ce brouillage postmoderne des repères. Même si elles prétendent être ouvertes à tout, par conformisme idéologique, ou pour ne pas paraître coincées.

Les femmes ont toujours été plus conservatrices que les hommes. Et même si la théorie du genre et les ayatollahs du wokisme rêvent d’abolir ces stéréotypes, ce sont encore les femmes qui mettent au monde les enfants, les élèvent, et restent le plus souvent les principales gardiennes du foyer.

Difficile dans ces conditions d’imaginer que Papa puisse aller se faire fister avec ses potes au Dépôt (sex-club gay du Marais), pendant que Maman fait réciter ses devoirs à leurs chères têtes blondes. Alors qu’en revanche, beaucoup de maris seraient plutôt excités, quand ils rentrent le soir plus tôt que prévu, de tomber sur leur femme en plein broute-minou avec la blonde pulpeuse du dessous. Espérant même s’interposer pour faire la tranche de jambon : le rêve de tout mâle hétéro, selon les clichés habituels.

Mais derrière cet apparent bouleversement des mœurs et des identités, ce sont depuis plusieurs décennies les femmes qui détiennent le vrai pouvoir d’arbitrer les changements et d’orienter le « progrès ».

Non pas parce qu’elles ont été à la pointe des grandes évolutions sociétales de ces 60 dernières années. Avec le mouvement féministe, la lutte pour l’égalité hommes-femmes, le droit à la pilule puis à l’avortement, aux PMA et aux GPA pour les femmes seules (familles monoparentales), lesbiennes ou en couple de même sexe. Avec cet avatar récent qu’est le mouvement #metoo contre les violences sexistes, le viol ou le harcèlement sexuel envers les femmes.

Si les femmes sont des instruments privilégiés du Pouvoir, c’est en vertu de leur statut d’éternelles victimes. Des victimes presque archétypiques puisque – du moins dans la civilisation occidentale dite patriarcale – les femmes ont toujours tenu un rang inférieur aux hommes, avec un statut, un rôle dans la société, des droits inférieurs aux hommes. C’est du moins l’image communément répandue selon les discours critiques sur la domination masculine[ii] véhiculés par les sociologues de gauche comme Bourdieu dans la seconde moitié du 20e siècle.

Comme un être humain sur deux est une femme, il est très facile d’utiliser ce levier de changement numériquement déterminant dans un sens favorable aux intérêts du Système. En jouant sur les oppositions entre hommes et femmes (la guerre des sexes, les luttes de pouvoir au sein du couple, la soumission/révolte des femmes, la misogynie masculine ou la misandrie féminine…)

Ou en jouant sur le mythe du progrès social dont seraient porteuses en premier lieu les femmes, puisqu’elles représentent la première catégorie à s’être émancipée. Après le prolétaire ou l’ouvrier, catégorie sociale et politique chère aux discours marxistes fondés sur la lutte des classes, tombée en désuétude depuis la disparition de la classe ouvrière et la fin – relative – des idéologies marxistes.

Puis les autres minorités, qu’elles soient liées à l’âge (les jeunes), qu’elles soient sexuelles (LGBTQI+), ethniques (les Noirs, les Arabes, les étrangers, les immigrés, les réfugiés…), culturelles (les Africains, les Maghrébins…), religieuses (les musulmans), sociales (les défavorisés, les SDF…), socioprofessionnelles (les employés, les fonctionnaires, les métiers pénibles, les classes moyennes…)

On peut donc affirmer que la maxime La femme est l’avenir de l’homme, inventée par le poète Aragon et popularisé par le chanteur Jean Ferrat, tous deux communistes, a encore de beaux jours devant elle.

Puisque la femme qui engendre est devenue le symbole et l’archétype du Progrès. Un archétype essentialisé et même sacralisé, spiritualisé. Pour preuve, le succès inédit des spiritualités déistes ou matérialistes fondées sur la référence à la Déesse-Mère, à l’esprit de Gaïa, sur la sacralisation de la Nature (dans la mouvance écologiste), et tous ces films, romans ou clips publicitaires qui vantent comme des clichés les vertus féminines supposées par essence supérieures aux vertus masculines.

Cette mythologie contemporaine renvoie à des archétypes profonds toujours présent dans l’inconscient collectif. Et qui se sont traduits historiquement par des périodes où les femmes ont joué un rôle prépondérant dans la société, loin de cette caricature renvoyée par les poncifs sur la domination masculine et autres bourdieuseries.

Par exemple cette image idéalisée de la femme au Moyen-âge, représentée dans la littérature et les arts qui dépeignent l’amour courtois. Une icône de la beauté, de la perfection, de l’intelligence et de la sagesse, symbole d’un pont, quasiment d’un parcours initiatique qi conduit du monde terrestre, matériel et profane, au monde divin, spirituel et sacré. Entre Eros et Agapè. Entre le monde des passions et la sublimation des désirs, des plaisirs et des affects qui conduit à Dieu.

Cette icône central dans la chevalerie médiévale de la Dame, but ultime assimilé à Dieu de la quête du chevalier engagé dans des batailles pour défendre l’honneur du roi, son royaume, sa Foi et donc le Christ. Une quasi déesse placée sous haut patronage de la Sainte Vierge et d’autres saintes désexualisées, idéalisées. Une icône de la chasteté et de la fidélité qui vit recluse dans son donjon, entourée de dames de compagnie et de licornes, attendant le retour de son preux chevalier. Lequel doit rivaliser de prouesses épiques lors de tournois et de joutes pour démontrer sa bravoure, justifier sa flamme et se montrer digne de sa bien-aimée.

Ou encore ces femmes savantes du Grand siècle, qui ont imposé les rituels scrupuleux de la Préciosité pour se préserver des assauts trop militaires d’hommes trop rustres, aux manières héritées des corps de garde. Les obligeant à se travestir, à se poudrer, se maquiller, à porter perruques, souliers vernis à rubans et jabots en dentelle, à parler comme des coquettes et à multiplier les pitreries de caniches et franchir les épreuves de la Carte du Tendre pour mériter leur attention, un soupir, un regard, un aparté galant au fond d’une alcôve…

Ou encore ce mythe des femmes ouvrières qui font tourner les usines, insensibles au labeur, qui portent leurs marmots autant que la faucille et le marteau, qui pissent debout, se montrent les égales des hommes, et portent haut leur conscience de classe comme le flambeau de la Révolution.

Ou de ces femmes affranchies des hommes partis au front pendant la Grande guerre, qui doivent retrousser leurs manches et couper leurs jupons pour permettre à la vie de continuer normalement à l’arrière du front, soigner les blessés, faire les comptes, entretenir les fermes et les ateliers. Bref, se substituer aux hommes. Et qui y prennent goût.[iii]

C’est pourquoi ce sont toujours les femmes qui en dernier lieu fixeront les limites de ce qui est possible ou non dans le grand charivari contemporain des identités, des genres et des rôles sexuels.

Du moins en apparence, et de façon justifiée par le fait qu’elles sont collectivement le modèle de l’éternelle victime. Et donc, en vertu d’une certaine morale du ressentiment chère à Nietzsche, il est très facile de stimuler, d’instrumentaliser et d’orienter les revendications des femmes en les présentant comme un seul bloc, et en les projetant dans cette perspective mythique du Progrès indéfini des droits des minorités opprimées.

Les limites au déconstructionnisme : remettre l’éthique au cœur de la science

On ne peut pas décréter ex abrupto la fin des identités liées au sexe ou au genre qui ont prévalu dans une société, une civilisation, quand bien même ces identités ne seraient que relatives, évolutives et donc contestables, et non pas universelles, absolues, inamovibles ou sacrées.

Et ce au nom du progrès, d’un égalitarisme radical qui nivèlerait entre elles toutes les identités supposées ou revendiquées, selon un catalogue dont seul l’individu serait l’arbitre. En niant au passage toute contingence résiduelle du réel, toute forme de déterminisme biologique, ou tout critère normatif imposé au sujet de l’extérieur. Critères qui fondent d’un point de vue social ou anthropologique des identités relatives.

On ne peut raisonnablement souscrire à cette revendication proprement terroriste d’une liberté imaginaire qui permettrait à chacun de choisir arbitrairement et unilatéralement, selon une conception souveraine et narcissique de l’individualité, QUI ou CE QUE je suis. Et de changer à tout moment d’identité, selon les fluctuations illimitées de son propre désir.

Ainsi, un homme trans né dans le corps d’une femme et qui aurait partiellement « transitionné« , au point de changer d’apparence physique et de ressembler à un homme, qui se vivrait psychologiquement et se comporterait socialement comme un homme, exigerait de la société qu’elle entérine son changement d’identité et l’enregistre à l’état civil comme un homme, avec le même statut légal et les mêmes droits qu’un homme à part entière, mais qui aurait conservé des organes reproducteurs féminins parfaitement fonctionnels, tomberait enceint(e) et déciderait de donner naissance un enfant de façon naturelle, en ayant un rapport sexuel avec un autre homme (son conjoint dans le cadre d’un couple homosexuel masculin), représenterait le comble de l’absurde.

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, disait Rabelais. Aux divagations de l’imaginaire et aux excès de l’arbitraire livrés à eux-mêmes, la science doit opposer le scepticisme. Et donc le doute, qui permet le rapport aux valeurs, confrontées à l’expérience aussi objective que possible du réel. Lequel rapport permet de redresser verticalement le rapport au sens et à la vérité : l’opposé de cette dérive contemporaine vers le relativisme et le subjectivisme les plus radicaux.

Une science qui multiplierait les occurrences de réalités jugées autrefois monstrueuses ou aberrantes[iv], qui n’obéirait qu’à des impératifs technicistes, fonctionnalistes ou utilitaristes, selon une conception mécaniciste du corps humain et de la sexualité, en l’absence de tous repères symboliques, de tous critères déontologiques fondés sur une référence à des valeurs qui fondent la science et l’humain, et qui privilégierait la performance et l’exploit technique confondus avec le progrès, se mettrait indifféremment au service des fantaisies et névroses individuelles les plus abracadabrantesques, est une science qui a abdiqué tout sens des réalités et tout souci éthique (et donc un tant soit peu normatif). Une science dévoyée, réduite à une technique ivre de son pouvoir magique, et qui ne mérite plus le titre de science.

Du latin scientia, connaissance, lui-même dérivé du verbe scire, savoir, la science n’est pas une technique, un moyen, une fabrication matérielle (teknè) en vue obtenir un résultat attendu. Comme changer arbitrairement de sexe ou devenir artificiellement fertile pour une personne stérile par nature, par accident ou par destination.

Partant, on ne peut pas exiger de la science résumée à une simple technique engagée dans une course démiurgique à la performance, d’être un instrument au service des désirs et de l’imaginaire personnels, comme le magicien d’Oz. Et de permettre aux uns et aux autres de devenir tantôt homme, tantôt femme, tantôt les deux, ou rien de tout ça : une chose, une plante, un hérisson, une cuillère, un concept, ou un héros de manga.

Et ce au nom d’une prétendue liberté individuelle, absolue et imprescriptible, de choisir sans limite QUI l’on est. Avec ce fantasme névrotique de s’affranchir de tout déterminisme naturel, biologique, social ou culturel, donc du rapport entre identité, altérité et communauté, sinon de toute référence à un ordre naturel, reflet d’un ordre divin ou d’une volonté divine qui s’imposerait comme transcendante à l’humain.

Il y a là une véritable aliénation psychique et existentielle, qui est le symétrique exact de celle que dénoncent, sans doute à juste titre en partie, les théoriciens du déconstructionnisme disciples de Foucault.

En prétendant libérer l’individu de tout déterminisme culturel, social et discursif, notamment cette assignation à un genre – homme ou femme – interprété comme le fruit d’une construction et d’un héritage social, et qui n’aurait rien à voir avec de quelconques déterminismes naturels, on les enferme dans une autre prison aliénante (au sens le plus littéral de folie), dans un autre déterminisme, celui liée à la prétention narcissique individuelle et au rêve infantile de toute-puissance.

En habituant dès la maternelle les petits enfants, à un âge où leur psyché est encore largement gouvernée par leur imaginaire, et n’est pas encore structurée pour s’adapter au monde des adultes, à cette idée qu’on peut choisir comme dans un jeu d’être soit un homme, soit une femme, ou aucun des deux, on les enferme dans ce monde imaginaire de la petite enfance, dans ce rêve de la toute-puissance, on fabrique des êtres inadaptés qui ne pourront jamais devenir adultes, qui resteront toute leur vie immatures, confondant le rêve et la réalité, frustrés et révoltés par la moindre résistance du réel à leurs désirs impérieux, et pétris de ressentiments contre cette société injuste qui refuse de se plier à tous leurs caprices.

Le vrai coupable n’est pas la science mais le Système !

La science n’est pas le seul responsable de ce déclin. Le marketing direct des multinationales, en particulier les GAFAM, fondé sur une exploitation du big data pour coller au plus près des aspirations individuelles, les orienter selon ses intérêts, en flatter le narcissisme, encourager l’infantilisme de citoyens réduits au simple rôle de consommateurs. Mais aussi le déclin de l’école républicaine, aujourd’hui réduite à une fabrique du crétin[v] : un esclave du système, sans structures intellectuelles encore moins éthiques qui lui permettraient de s’orienter socialement, hyper conformiste, incapable de raisonnement autonome, dépourvu de tout libre arbitre.

Tous deux sont pour beaucoup dans cette dérive, ce suicide collectif des sociétés occidentales.

Parce que, sous l’influence de la société marchande globalisée, elles ont abdiqué tous leurs repères traditionnels au bénéfice de l’efficacité et de critères utilitaristes. Et donc toute responsabilité de transmettre ces repères aux générations futures, en perpétuant des normes, un ordre, non seulement anthropologique, social ou politique, mais aussi symbolique, organisé autour d’une quête du Sens. Une exigence de sens et donc de repères, qui ne soit pas exclusivement fondée sur des critères d’adaptation à un système technocratique. Et donc sur des valeurs nominalistes qui nient le réel en tant que tel, et qui définissent la réalité selon des critères d’utilité, de fonctionnalité, de performance, de rentabilité, faussement centrées sur l’individu, mais en réalité au service du seul système qui s’en prétend l’autorité garante.

En caricaturant et en pervertissant les thèses de Michel Foucault sur la structuration des discours et des savoirs en pouvoirs, notamment ce biopouvoir de la médecine fonctionnaliste, ses héritiers ont abouti à l’inverse exact de la prétention révélatrice et émancipatrice du philosophe : isoler l’individu dans un esclavage patho-logique (souffrant) à ses propres désordres confusionnels, qui le conduisent à diluer les frontières entre le réel et l’imaginaire. A cause de son insatisfaction perpétuelle entretenue par la polarisation du ses objets ou services marchands supposés le combler, ou de l’immaturité chronique et entretenue de son désir, artificiellement épargné par cette nécessaire castration structurante représentée par la confrontation avec la limite normatives et des lois et des modèles sociaux, selon Freud. A commencer par celle qui structure l’altérité, défini par une identité réparti en deux genres symérique, homme et femme.

C’est la définition même de la schizophrénie, que tend à entretenir volontairement ce monde hors-sol qu’est le grand carnaval des illusions du Marché triomphant, un monde aux capacités illusionnistes surdopées par les réalités virtuelles : réalités augmentées, Métaverse et autres. Et qui donne à chacun la sensation trompeuse d’un potentiel infini de création de sa propre réalité, sans aucune limite physique, psychologique ou éthique, et sans aucune censure du monde extérieur ni rapport à des repères ou valeurs partagées, autre que la liberté de jouir à l’infini de toutes les possibilités qu’offrent désormais la science et les nouvelles technologies, en s’affranchissant totalement des limites de l’humain, du biologique, de la matière.

Un monde où l’individu est fictivement placé au centre des attentions, avec une armée de bonnes fées à son chevet prêtes à satisfaire le moindre de ses désirs, comme le bébé devenu l’enfant-roi, icône et avenir de la société contemporaine (cf. Pascal Bruckner : La tentation de l’innocence, 1995).

La société marchande et technocratique se nourrit de cette dérive qu’elle perpétue, en se positionnant comme le magicien trompeur qu’elle prétend être. Ce démiurge qui prend la place d’un dieu créateur périmé, ou d’une Nature (le deus sive natura spinoziste), qui serait trop injuste, imparfaite, dont il faut corriger les erreurs et les défaillances pour atteindre cette perfection tant désirée, ce grand bonheur à la carte, aussi artificiel que chèrement monnayable pour chaque individu renvoyé à sa solitude, enfermé dans la prison de son individualité, et fictivement érigé en souverain, en arbitre et en éternel enfant, ivre de son illusion narcissique et mimétique de toute-puissance. Ce que Gilles Lipovetsky qualifiait de L’ère du vide.

Double mensonge ! Notamment s’agissant d’une médecine aujourd’hui entièrement corrompue, de la recherche à la délivrance de remèdes sur ordonnance, en passant par la formation des praticiens, des pharmaciens, la presse scientifique et toutes les institutions supposément garantes de son éthique. Une médecine entièrement au services des intérêts économiques de Big Pharma, et entièrement contrôlée par ses décideurs industriels, économiques et financiers.

Cette science qui était a priori une science naturelle ou sociale, prétend même s’élever artificiellement au rang de science formelle, et tient lieu d’un savoir pur, une doxa incontestable et verrouillée par des sachants corrompus. Alors que selon les plus grand médecins eux-mêmes, la médecin est moins une science qu’un art. Plus une praxis qu’une gnosis. Et que toute vérité, partielle et relative, ne peut être élaborée en l’absence d’une consensus scientifique entre des pairs, toujours mouvant et jamais figé.

Dans le même temps cette science transhumaniste fondé sur des postulats matérialistes, rationalistes et scientistes, s’arroge au nom de l’efficacité et du relativisme l’autorité de déconstruire ou reconstruire tous les archétypes sociaux et culturels ancestraux, au gré des fluctuations de ses objectifs, instrumentalisant les modes et les projections égotiques individuelles. Et même de transgresser allègrement les principes éthiques les plus essentiels qui fondent son exercice, comme ne pas nuire à autrui (primum non nocere : premier « commandement » du Serment d’Hippocrate), défendre la vie et le droit pour chaque personne de disposer librement de son corps ou de choisir comment se soigner.

Des principes pervertis en droit que s’octroie la science (et le Système qui la contrôle) de disposer du corps de chaque individu, de décider à sa place de sa santé, en évacuant tout devoir d’information préalable et tout consensus libre et éclairé quant aux traitements administrés (par exemple ces « vaccins ARNm » contre le Covid délivrés de façon obligatoire à partir de 2021), le droit d’ôter la vie à une personne jugée en souffrance ou défaillante, de prélever ses organes et d’en disposer pour les besoins de la science, de permettre à une femme d’avorter pour besoins sociaux au-delà du 8e mois de grossesse (et donc de commettre un homicide puisqu’à ce stade le fœtus est au regard de la loi un bébé donc une personne viable), ou le droit de créer des chimères par manipulation génétique en mélangeant le génome humain avec le génome animal. Autant de possibilités sidérantes prévues par la bien mal nommée loi sur la bioéthique votée en catimini en 2022.

Cette sanctification de l’ego qui conduit à une dilution des repères symboliques et identitaires, notamment des critères d’appartenance au genre jugés archaïques, factices ou aliénants, est en réalité une vaste duperie. Si l’ego ou l’individu est valorisé, ce n’est qu’au travers d’une rhétorique font le seul but est de l’enfermer dans une illusion de satisfaction narcotique pour mieux le réifier, l’asservir, l’esclavagiser, voire l’anéantir.

Ces discours prétendument émancipateurs et d’emblée contestables sont instrumentalisés par un système marchand et technocratique, qui réduit in fine l’humain à une fonction, un paramètre, une variable d’ajustement, ou un objet, une marchandise. Qui réduit ses émotions, ses désirs, ses affects ou ses pensées à des interactions biochimiques modélisables et contrôlables dans le cerveau. Qui nie l’existence d’une conscience préexistant au réel, lui-même réduit à son substrat matériel, et qui considère l’intelligence comme la résultante de processus cognitifs produits indifféremment par un cerveau humain ou par une intelligence artificielle qui en modélise le fonctionnement.

L’objectif principal de ce système est clairement de parachever sa stratégie de domination et de contrôle des pouvoirs par une élite oligarchique. Une stratégie entreprise avec succès depuis plusieurs siècles. Une stratégie qui lui a effectivement permis de s’assurer progressivement le contrôle du pouvoir monétaire, bancaire et financier à l’échelle mondiale. Et partant, le contrôle du pouvoir économique, en contrôlant le capital des banques d’affaires et des multinationales leaders de tous les secteurs de l’économie mondiale (via des fonds d’investissement géants comme BlackRock ou Vanguard). Et bien sûr le contrôle du pouvoir politique, des Etats, de leurs dirigeants et institutions, de leur personnel politique, par la dette publique, la corruption, le financement des partis et de la vie politique au sein des pays dits démocratiques, comme dans les dictatures plus « officielles » comme l’Allemagne nazie, l’URSS, les dictatures militaires d’Amérique latine, d’Afrique ou du Moyen-Orient, mises en place ou soutenues par les Etats-Unis…

Et puis encore les pouvoirs juridiques, judiciaires et administratifs, par la corruption des parlementaires, des juges, des instances de régulation administrative, des organismes garants des normes et modes d’arbitrage, notamment en matière de production, de trading agricole, industriel, commercial, boursier, financier, de règlements douaniers ou de fiscalité.

Bien évidemment, le pouvoir scientifique et technologique, la recherche, les sciences exactes comme les sciences appliquées, les sciences sociales, la médecine, toutes les sciences et technologies nouvelles liées au numérique, à l’informatique, à la robotique, jusqu’aux neurosciences à visée transhumaniste, sont concernées par cette mainmise du pouvoir financier.

Sans oublier le pouvoir culturel, les savoirs, le pouvoir médiatique, l’ingénierie sociale par les industries du divertissement, des loisirs et de la consommation de masse. Et même le pouvoir éthique, symbolique et religieux, tout ce qui a trait au spirituel et au sacré. Puisque depuis plusieurs décennies, pas une seule des grandes institutions religieuses de ce monde, toutes religions ou spiritualités confondues, n’échappe au financement et donc au contrôle direct ou indirect et à la bienveillance généreuse des grands mécènes de la technostructure : grandes banques et fonds d’investissement, fondations privées comme Rockefeller ou Bill& Melinda Gates, institutions mondialistes (ONU, OMS, UNESCO…), multinationales comme Pfizer, etc…

L’individu est l’ultime maillon faible de cette stratégie proprement totalitaire de domination par une élite, qui s’est toujours cru ou autoproclamée « élue » pour gouverner le monde et la masse des esprits faibles.

Et donc pour contrôler les individus, le système s’appuie sur six pouvoirs essentiels :

  • Le pouvoir politico-militaire : organiser les modes de contrainte répressive et coercitive, assurer l’ordre
  • Le pouvoir économique : produire et distribuer les artefacts de la société de consommation matérialiste et hédoniste
  • Le pouvoir scientifique et numérique. Notamment ce biopouvoir médical dénoncé par Foucault, couplé dans un avenir proche au pouvoir monétaire, grâce à la mise en place de la monnaie numérique mondiale, clé de voûte du nouvel ordre technosanitaire fondé sur un système de surveillance numérique centralisé des populations, associée à l’identité numérique et au passeport vaccinal numérique de l’OMS
  • Le pouvoir médiatico-culturel et intellectuel : ingénierie sociale, savoirs et discours normatifs
  • Le pouvoir religieux ou symbolique : promotion d’une nouvelle spiritualité mondiale de type new age, destinée à remplacer toutes les religions au cours de ce siècle. Et pour mieux les détruire de l’intérieur et les assujettir à l’idéologie mondialiste, corruption des institutions religieuses traditionnelles : Vatican, églises protestantes « progressistes », judaïsme libéral et traditionnel, etc… Jusqu’à la religion bahaï, dernière des grandes religions officiellement reconnues par l’ONU, dont les membres sont surreprésentés dans les institutions mondialistes comme l’ONU ou l’UNESCO.

En conclusion, l’anarchie sexuelle et identitaire, ou la déconstruction des normes, n’est qu’un des instruments d’asservissement déployés sur les individus pour les inclure dans le Nouvel ordre mondial

La société capitaliste postmoderne, qualifiée par certains de capitalisme du désastre[vi], de capitalisme de prédation, est une société sans éthique, sans âme, sans transcendance, sans lois, sinon celles qui soumettent l’humain à toutes les formes d’asservissement, matérielle, physique, psychologique, idéologique et spirituel.

Pour rendre cet asservissement possible, elle s’est insidieusement réapproprié les mythes fondateurs de la modernité. Parmi lesquels en premier lieu le mythe du Progrès.

L’idéologique progressiste actuelle qui s’y réfère n’a plus grand-chose de commun avec le progressisme d’antan : ce courant philosophique et politique en vogue dans l’Angleterre du Commonwealth, et dans d’autres pays occidentaux comme la France ou l’Allemagne, théâtres de bouleversements intellectuels, sociaux et politiques à partir du 18e siècle.

Un progrès idéalisé au nom des principes humanistes et universalistes par une élite aristocratique et bourgeoise qui se disait éclairée, car acquise aux idées des Lumières, aux idéaux maçonniques souvent opposés aux valeurs et à l’ordre incarnés par le clergé et la monarchie absolue de droit divin. Ces Whigs (progressistes et démocrates) opposés au Tories (conservateurs et monarchistes) à la chambre des Lords ou à celle des Députés. Avec des principes libertaires, égalitaires, d’émancipation individuelle et de justice sociale, de transformation de la société par les réformes (pour les pays protestants d’Europe du Nord), plutôt que par la Révolution. Et surtout favorables au principe central de libre-échange, de libre circulation des biens, des services, des capitaux et des idées. Un pilier fondateur du commerce maritime, dont l’Angleterre puis l’Amérique se sont faites les championnes, établissant des empires et se donnant pour vocation de dominer le monde en imposant leur modèle civilisateur et leur ordre. Des empires gouvernés par des élites, aristocratiques, intellectuelles, maçonniques et surtout financières, jalouses de leurs pouvoirs et de leur rang. Et qui se considèrent elles-mêmes comme les élues de Dieu selon le principe de prédestination, missionnés par lui pour dominer, civiliser et faire évoluer les autres races, les autres peuples, les autres empires, les soumettre au même ordre dont elles sont les garantes. Et pour cela imposer par le négoce et le rapport de forces commercial, sinon par la force, leur ordre à la fois militaire, politique et diplomatique, commercial, et surtout bancaire, monétaire et financier.

L’effondrement des idéologies gauchistes, traditionnellement opposées au modèle capitaliste anglo-saxon, lié notamment à la faillite du bloc communiste à l’Est de l’Europe à la fin du 20e siècle, et accéléré par le phénomène de la mondialisation, a ouvert un boulevard au néolibéralisme, cet avatar idéologique du libéralisme parent du progressisme. Ce que pouvait permettre au Président George Bush Sr. d’affirmer dans un discours devant le Congrès resté célèbre en 1991 que le Nouvel ordre mondial (sous-entendu américain), dont l’Amérique libérale et libertaire est l’éternel flambeau, allait s’imposer de soi-même comme une évidence à l’ensemble du monde après la chute du communisme et la fin de la guerre froide. Ouvrant la foi à un monde unipolaire ou les Etats-Unis serait de facto le modèle, la matrice et le le gardien des valeurs du monde futur.

Conséquence : trente ans plus tard, la référence à la liberté et au progrès par les promoteurs du mondialisme n’est plus qu’un réflexe strictement rhétorique englobé sous l’appellation quasi-réflexe de progressisme, pour désigner des discours destinés à justifier une politique à l’opposé exact des buts qu’elle prétend poursuivre. Comme la paix mondiale, l’égalité hommes-femmes, la justice sociale, la défense des minorités ou l’écologie, le développement durable et la lutte contre le dérèglement climatique.

Cf. notamment les 17 Objectifs de développement durable de l’ONU (ODD). Ou les objectifs du Great Reset[vii] de Klaus Schwab, Président du Forum économique mondial.

Tous ces thèmes constamment évoqués ne sont que des instruments destinés à précipiter l’adhésion ou obtenir l’acception des individus, des communautés ou des Etats face à des basculements systémiques, dont l’unique but est le renforcement de cette captation multiforme de tous les pouvoirs contrôlés par une élite qui concentre le pouvoir financier, et s’arroge le pouvoir arbitraire de décider du destin de l’humanité, de son évolution, de l’attribution des rôles et des ressources selon une vision matérialiste, utilitariste, fonctionnaliste de la société, de la concentration des richesses, du sens de la vie, de la façon de la contrôler, de la développer, voire de la faire éclore à partir du néant.

Une mythologie qui crée un clivage ontologique entre les super riches assimilés à des « dieux », et les autres considérés comme des « inutiles »[viii].

Le bouleversement des identités et des rôles, notamment sexuels, n’est donc pas fortuit. Car même si cette élite n’en est évidemment pas l’auteur, il y a déjà longtemps qu’elle cherche par divers moyens d’utiliser ces bouleversements à son avantage. En favorisant ou finançant discrètement tel mouvement libertaire ou contestataire aux Etats-Unis, en assurant la promotion de tel leader ou influenceur dont les discours vont dans le sens d’une remise en cause des modèles établis et d’une déconstruction des identités traditionnelles au profit de nouvelles normes sociales portées par des minorités : mouvement d’émancipation des femmes, des gays et des lesbiennes, des trans, des Afro-Américains : Black Panthers, Black Muslims, Black Lives Matter

Bref, toute cette nouvelle mouvance woke, aujourd’hui très critiquée aux Etats-Unis, mais qui a trusté les milieux universitaires et intellectuels, en imposant sa religion radicale, dans les discours et dans la société. Et qui s’exporte en Europe, en France en particulier, avec des figures de premier plan comme l’actuel ministre de l’Education nationale Pap Ndiaye, qui a travaillé aux Etats-Unis et qui en est l’un des théoriciens et promoteurs.

Cette stratégie déconstructionniste n’a jamais eu pour but de servir les intérêts, de défendre la dignité ou les droits des minorités réputées opprimées, érigées en nouvelles identités et nouvelles normes contre la majorité à laquelle elles prétendent se substituer.

Son seul objectif est d’attiser, d’imposer sous une forme totalitaire qui ne souffre aucune controverse, et d’instrumentaliser comme un nouveau terrorisme intellectuel et politique ces prétendues revendications qui le plus souvent ne concernent qu’un infime minorité dans la minorité.

Par exemple les discours woke actuels sur le concept de transgenre ne concernent effectivement qu’un pourcentage excessivement réduit de personnes parmi la minorité LGBT. Lesquelles sont pourtant continuellement mises en avant dans des mises en scène sur les plateaux télé, dans des films ou documentaires, lors d’interventions validés par le Ministère de drag queens ou de militants LBGTQI+ dans des écoles pour faire la promotion de la théorie du genre…

On comprend bien qu’il ne s’agit pas là de défendre une infime infime minorité d’enfants qui seraient en souffrance parce qu’effectivement perturbés par une authentique androgynie ou un hermaphrodisme psychique, qui les inciterait à se sentir filles alors qu’ils sont des garçons, ou l’inverse.

Le but est de diffuser une idéologie hautement constable, qui ne repose sur aucune vérité scientifique, de l’inculquer dès le plus jeune âge aux enfants, de déconstruire ainsi les repères traditionnels à propos du sexe lié au genre, de la sexualité, du couple, de la famille, etc…

Non pas par au nom d’une lutte « contre l’oppression de la société bourgeoise capitaliste patriarcale et hétérosexiste« , comme le faisaient les gauchistes. Mais juste pour déconstruire les repères psychiques, anthropologiques, sociétaux et symboliques, afin de mieux exercer un pouvoir sur les individus. Tout en leur vendant l’illusion que ce système technocratique est à-même de leur fournir tous les avatars du bonheur sur catalogue, de combler toutes leurs blessures narcissiques, de satisfaire tous leurs désirs, comme le génie de la lampe d’Aladin qui répond à tous les vœux de celui qui la frotte.

Une illusion authentiquement mortifère qui consiste sous couvert d’émancipation, de liberté et d’égalité, à asservir durablement les individus piégés dans ce mirage qui joue avec leur imaginaire, de leurs rêves de toute-puissance, et leurs frustrations les plus profondes.

Le Meilleur des mondes[ix] est déjà-là. Il pourrait s’intituler Nous sommes légion car il a beaucoup de noms : Banque mondiale, FMI, ONU, OMC, OMS, Forum économique mondial, BlackRock, Vanguard, Google Microsoft, Apple, Méta, Neuralink, Amazon, Pfizer-Moderna, Disney, Universal, Monsanto, Coca Cola… La liste est quasi-infinie, et couvre tous les secteurs de l’économie mondialisée.

Pour cette hydre aux mille têtes sans foi ni loi, déconstruire n’est pas émanciper ni libérer. C’est au contraire construire des dépendances beaucoup plus sournoises et profondes que celles fondées sur les rapports classiques de domination entre une majorité et des minorités. C’est détruire le pouvoir de cette majorité, ou ce qu’il en reste, et l’atomiser en une myriade de nouvelles identités disjointes, toutes plus légitimes et avides de reconnaissance les unes que les autres.

Dans ce grand marché de la concurrence victimaire, il ne devient plus possible d’exister de manière positive, en affirmant sereinement Qui l’on est. On ne peut se définir que comme la victime d’un groupe majoritaire, fictionnellement oppressif. C’est donc une morale du ressentiment qui l’alimente, devenant le pouvoir des faibles sur des forts mythifiés ; le véritable pouvoir et les véritables forts de plus en plus forts restant quant à eux toujours dissimulés derrière cette imposture éthique de la défense du faible et de l’opprimé.

« Tous égaux, tous esclaves ! », pourrait être la nouvelle devise collectiviste cachée du Meilleur des mondes progressistes. Ou Tous contre tous : l’anarchie identitaire réduite à la cacophonie du cri primal égotique, la négation de toute humanité, de toute fraternité, la dilution des essences dans un carnaval existentiel devenu dément et fanatique, parce qu’il aurait perdu tout sens, tout cap, toute maîtrise de soi et toute verticalité, exclusivement obsédé par l’impérieux besoin de se dire, ou plutôt d’être dit, d’être agi et agité, en collant compulsivement aux nouveaux canons normatifs.

Autrement dit, incapable d’être et de se dire à partir d’une conscience, d’un soi et non d’un d’une « moi-je, c’est mon choix !« , d’un libre-arbitre, d’un désir de s’incarner positivement, qui n’a besoin d’aucune justification ni tutelle morale pour s’autoriser à exister et s’affirmer.


[i] Deux livres de recherches du Dr Alfred Kinsey sur le comportement sexuel humain : Sexual Behavior in the Human Male (1948) et Sexual Behavior in the Human Female (1953), considérés depuis les années 1950 par les théoriciens de la sexualité comme un apport déterminant à la recherche statistique et scientifique sur la sexualité humaine. Rapport aujourd’hui controversé par certains détracteurs de la théorie du genre.

[ii] Cf. Pierre Bourdieu : La domination masculine (Seuil, 1998)

[iii] Cf. la série cinématographique Les Dames de la côte, de Nina Companeez, diffusée sur Antenne 2 en 1979-1980.

[iv] Les premières théoriques psychiatriques puis psychanalytiques sur la sexualité humaine élaborées en milieu clinique dans la seconde moitié du 19e siècle et au début du 20e siècle ont institué une norme non seulement statistique mais aussi naturelle sinon morale : l’hétérosexualité. Toute déviation par rapport à cette norme était alors qualifiée de déviance et d’aberration sexuelle. Moins sous un angle moral que pathologique, donc scientifique.
Cf. Richard von Krafft-Ebing : Psychopathia sexualis (1886). Ce psychiatre autrichien dresse pour la première fois sous l’angle psychologique et médical un catalogue des aberrations sexuelles. Il invente du même coup de nouvelles identités psychosexuelles ou psychopathologiques (maladies mentales), forgées à partir d’un inventaire des désirs, fantasmes et pratiques sexuelles : homosexualité, bisexualité, lesbianisme, masturbation, sodomie (coït anal), triolisme, sadomasochisme, fétichisme, zoophilie, gérontophilie, nécrophilie… Toutes recensées chez des patients qui se soumettent volontairement à l’exploration sous l’œil du médecin de leur univers fantasmatique, à l’aveu de ce qu’ils considèrent eux-mêmes comme des pratiques déviantes. Ils sont même candidats à une cure psychiatrique recourant à des traitements variés et parfois proches de la torture physique ou psychologique, espérant s’en libérer et retrouver une sexualité normale.

Pour un panorama plus général, cf. Michel Foucault : Histoire de la sexualité – Tome 1 : La volonté de savoir (1994)

[vi] Cf. Mélanie Klein : La stratégie du choc – Le capitalisme du désastre (Knopff, 2007)

[v] Cf. Jean-Paul Brighelli : La fabrique du crétin – Vers l’apocalypse scolaire (L’Archipel, 2022)

[vii] Cf. Klaus Schwab et Thierry Malleret : Covid-19, The Great Reset (Forum économique Mondial, 2020)

[viii] Cf. intervention de Laurent Alexandre lors d’une Table-ronde sur le transhumanisme le 17 janvier 2019 à l’Ecole Polytechnique, devant un parterre d’étudiants et de députés LREM.
Laurent Alexandre (ENA, HEC) est chirurgien urologue et neurobiologiste. Fondateur de Doctissimo, Président de DNA Vision, chroniqueur au Monde, à L’Express et au HuffPost. Considéré par certains comme le plus grand expert du transhumanisme en France.

[ix] Cf. Aldous Huxley : Le Meilleur des mondes (1932)

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